Mon amie Beatriz Leão m'a presenté cette poète et femme de lettres française d’origine libanaise. Cliquez sur sa photo pour connaître son oeuvre et un petit peu de ses textes formidables.La métaphore dont j'aime étudier est assez presente. Je vous laisse ici un conte que je trouve extraordinaire:
L’ homme à l’oreille coupée
Andrée CHEDID[1]
Cela fait longtemps que je dialogue avec « l’homme à l’oreille coupée ».
Longtemps que je m’attache à son visage blafard, à ce regard à la fois perçant et absent, qui étreint le réel et s’investit dans l’ailleurs.
Cela fait longtemps que j’essaie de percer le mystère de cet acte féroce: un matin ou soir, Van Gogh s’est tranché l’oreille!
Je tente aussi d’établir entre cet art qui transformait les formes de la nature et les embrasait de tumultes; je m’efforce d’établir une jonction entre les éblouissements du soleil et ce feu sacré, rongeur, qui ne cesse de consumer celui qu’il hante.
Témoin, à mon tour, du drame, je n’ose soulever le bandage qui recouvre la plaie. Me joignant aux policiers qui l’interrogeront ce 25 décembre 1888, je ne souhaite pas ajouter mes questions aux leurs.Vincent, me semble-t-il, a déjà franchi le « mur du son » de la parole; il s’abrite dans un silence sidéral.
Van Gogh s’est peint, la tête couverte d’une coiffe étrange, bleue ; mi-fourrure, mi-tissu. Il s’est revêtu d’un manteau vert qui laisse paraître le début d’un col blanc. Le bandage qui recouvre l’oreille fait le tour de son cou.
Son visage blême se détache sur fond rouge et jaune, formé de flammèches tour-billonnantes.
Vincent fume la pipe, tranquillement semble-t-il, comme s’il se calfeutrait tout au fond d’une sérénité enfin conquise.
_ L’oreille coupée, est-ce vous le responsable, Van Gogh ? Étiez-vous ivre d’absinthe ? Vous êtes-vous servi d’un couteau de cuisine ? demandent les policiers.
_ Ou bien, continuent-ils , est-ce Gauguin qui vous a mutilé dans un excès de rage en se servant de son épée d’escrime ? Nous avons appris que vos relations étaient tempétueuses.
Les lèvres serrées, Vincent est au-delà de toute réponse.
Pour ma part, je persiste à ne lui poser aucune question.
Pourtant, son portrait continue de m’habiter. Je ne cesse de songer à son regard de faucon et de tendresse, à ses yeux d’angoisse et de délivrance, à son visage énigmatique et sensible.
Je résiste à conclure, à porter un jugement.
Alors, peu à peu, se redresse et revit l’imcomparable artiste.Celui qui va et vient parmi ses tournesols fiévreux et ardents ; celui qui marche le long de ses champs aiguisés ; celui qui traverse des ponts qui enjambent des rivières insoumises ; celui qui fait face à des visages dévorés d’angoisse et de passion.
Celui qui vit de toute vie, et qui entraîne les images vers le miroir intime de son insolite cheminement.
Je me tais à mon tour et me retire à pas feutrés.
Mais à chaque nouvelle rencontre je te salue, Vincent, en ce silence qui t’appartient. Ce silence qui nous fait reprendre souffle et renaître dans une inquiète mais constante célébration de la vie.
§§§§§§§§§§§
Vocabulaire :
Attacher - prender,agarrar-se
Blafard – lívido
Perçant - penetrante,agudo
Rongeur –roedor
Étreindre - (étreint) - abraçar, apertar
Percer - elucidar
Hanter (v.) – perseguir, assombrar
Plaie – ferida
Franchir – transpor
Sidéral - qui a rapport aux astres
Blême – macilento, descorado
Faucon - falcão
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Desde já agradeço a todos que deixaram e que venham a deixar aqui seu comentário. Caso não tenha interesse pelo FLE, não deixe mensagens de SPAM,
Merci à tous,
Niuza